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PHILIPPE PISSIER ARCHIVES (PPA)
12 octobre 2007

YOU MAY KISS THE BRIDE

Le Sex Magik de Jad Wio chroniqué par Vox pour BBcom Date: 08 octobre 2007 à 09:31:36 Sujet: Nouvel Album Le Sex Magik de Jad Wio chroniqué par Vox pour BBcom sort aujourd'hui lundi 8 octobre 2007. pic_corpseBride_001_sm I. C’est écrit : Jad Wio est culte. Regardez les coupures de presse : sans cesse il revient, ce hochet des plumes paresseuses, ce mot fatal que l’on ne peut écrire qu’en retard… Tel est le lot de ceux qui vont à rebrousse-masse : trajectoire d’ovni et auditoire de cognoscenti. Ça ne paie pas les factures mais enfin, cet honneur-là ne se refuse pas ! En ce sens, il se peut en effet que Jad Wio soit culte. On doit l’être lorsque l’on met tant d’art à propager le feu de son extravagance et que l’on demeure en marge des tendances. On l’entend dire enfin, et de plus en plus fort, depuis trois ans que Bortek est revenu : Jad Wio est le remarquable phénomène du rock and roll frenchy. Les violons s’accordent là-dessus, et même ceux qui n’en savent pas plus que ça ont eu vent de l’histoire, car c’est le propre de ce qui est culte, n’est-ce pas… cette aura qui flotte, vaporeuse, comme une phosphorescence fantomale. Parler de Jad Wio, c’est passer les portes d’un baroque bordel où s’enquillent éphèbes pervers, apôtres fétichistes, funambules transformistes, sigisbées cosmiques, freaks névrotiques, mutants toxiques et dandies relaps… figures étranges d’une galerie biscornue dans laquelle chacun est le bienvenu – à ses risques et périls. Jad Wio, c’est le hardi spectacle d’une créature experte en métamorphoses, révélée en des jeux de masques qui exhibent plus sûrement qu’à confesse ce qu’ils prétendent travestir. Et ceci, par le biais du grand théâtre électrique, du rock and roll, cette musique du diable, ce moderne grimoire où revivent les magies ancestrales. Il est très peu d’exemples, en France, de cette poésie de l’artifice et des miroirs commune aux romantismes occultes et à ce rock électrique que l’on alla jusqu’à appeler, aux heures outrageuses des seventies et en écho aux crachats nazis sur les décadences berlinoises de Weimar, dégénéré. Patrick Scarzello écrivait en 1995 : " A bien y regarder, Jad Wio reste l’un de nos plus fameux contre-exemples du retard musical tricolore. Ils ont de la classe et la culture idoine, le sens de la pose donc, du goût et du culot dans les mots. Bizarre et rare ! " Douze ans après, la formule est toujours juste. L’enseigne Jad Wio demeure garante de mystère, promesse de catimini, sésame de rendez-vous interlopes et de savants dévergondages que l’on ne partage qu’en s’encavant, à la nuit close, en secret. C’est que les voies de cet art-là – l’art de mettre son âme à nu et de la parer d’une fine dentelle d’extravagance, de la chamarrer d’une délicate résille de fantaisie – sont celles que Denis Bortek a choisies, à jamais. Rejeton glamour et fantasque des sex stars d’autrefois en même temps qu’esprit perçant aux lettres vénéneuses, voilà un peu plus de deux décennies qu’il les explore et qu’il expose aux amateurs consentants les ors et les velours de ses salons si personnels. Et c’est cela, cette quête fondamentale, que Jad Wio poursuit aujourd’hui, à l’heure où sort "Sex Magik", sensationnel ostensoir d’excellence électrique jeté par-dessus la mare de merde dans laquelle l’époque, le groin tartiné d’ersatz rock en toc, bâfre comme un cochon... II. Ensorcelant plongeon au bras d’une occulte Lolita dans le dédale de son éphémère passage sur Terre, "Sex Magik" est la véritable histoire de Diana Orlow, dite Lilith Von Sirius, muse underground et courtisane de luxe. Lilith, princesse slave en dentelles et fourrures, esclave magique férue de Crowley, prêtresse de Babalon et "dive putain de noire lumière" selon Philippe Pissier … Jeune femme salamandre mordue voilà dix ans par un cancer qui la terrassa dans la fleur de ses vingt-six hivers, et revenue aujourd’hui des Enfers de l’oubli par la grâce de treize messages médiumniques en forme de chansons ! Sur la pochette de l’album, rose comme la Chair et noire comme la Mort, le mage Bortek semble murmurer au fantôme de Diana, invisible encore sous le haut-de-forme, une secrète formule invocatoire ; car tel est le propos : rappeler d’entre les morts l’amie disparue au destin tragique et célébrer sa mémoire en une posthume révérence magique. " C’est l’ensemble de son œuvre – d’art – toute personnelle, de sa vie, de son errance qui ont guidé l’écriture des pièces qui composent "Sex Magik", confie Bortek. Je suis parti de notre rencontre et j’ai déroulé le fil d’Ariane post-mortem qu’elle tendait, dévoilant ses documents intimes, textes, poèmes, journal et photographies légués ici et là après sa disparition ; écrits et images déposés là par quelque ami bienveillant témoin d’une apparition quasi religieuse, Philippe Pissier. " Il n’est pas défendu de voir en "Sex Magik", précis de rockultisme et nécromancienne sorcellerie sonique, le magnum opus de Jad Wio. Fidèle au credo fondamental de nos Satanic Majesties – jeter son dévolu sur un thème et l’explorer en chansons – l’album est un compendium de ce maniérisme électrique cher à Bortek et Kbye, cet art de transcender son ascendance, attentif aux voies de l’esprit comme à celles de la chair, tout en rappelant l’intime lien qui noue les énergies mystérieuses du rock électrique et des rites magiques. En d’autres termes, plus prosaïques mais capitaux : voilà d’abord un foutu bon disque de rock and roll. " Epitaphe sonique " à Lilith Von Sirius, certes ; mais ce n’est pas la pompe solennelle d’un requiescat in pace que l’on découvre ici, c’est un infernal bouillonnement de vie. Le genre de sabbat que l’on n’a pas coutume d’entendre souvent. Du volcanique introït qu’est "Das ist", implacable attrape-goths servi le mors aux dents, à "L’histoire", lente et vénéneuse version de la décharge liminaire qui clôt l’aventure, c’est – en trois quarts d’heure et sous l’ineffable exorde sexe, magie et rock and roll – une messe fervente et sauvage à laquelle il semble inconcevable de rester insensible. Jad Wio n’a jamais fait mystère de ses lascives amours électriques. Ceux qui ont vu Bortek et Kbye sur scène, dans la touffeur tropicale d’un sous-sol torride ou dans un de ces temples caquetants que sont les salles de concert de Paname, savent l’érotique pouvoir de leur musique, la charge éloquente de leurs engins lorsqu’ils ruent dans les enceintes, et le capharnaüm des sens auquel instiguent leurs concerts funambulesques et jubilatoires. Les chansons de "Sex Magik" sont nées des vertiges scéniques : c’est la galvanique palingénésie des shows "Nu Cle Air Pop" qui a fait naître l’envie de remettre en branle le processus d’écriture. Il est naturel que cela s’entende… Ce sont donc des chansons à fleur de nerfs qui composent "Sex Magik", épurées de tout technicisme superfétatoire et centrées sur le quintessenciel coït des deux guitares enchevêtrées, sur le nerveux entrelacs des notes et des riffs qui fit la gloire de l’originel duo. Kbye est un maître qui, pour paraphraser Nijinski, " n’a que faire de technique pure si le sentiment n’entre pas en jeu. " Aussi, qu’elle gronde, qu’elle grogne, qu’elle caresse ou qu’elle cravache, sa Telecaster ne s’empêtre jamais dans les pesants et bavards lieux communs du genre. Jointe à celle de Bortek, qui tisse ici ses gimmicks électriques, à même l’ossature des titres, avec plus d’aplomb que jamais, elle fait merveille et crépite en éclairs de fauve énergie, purs traits de foudre zébrant le canevas basse-batterie de Tristan Abgraal, architecte rythmique en coulisse. Ces treize chansons redoutables forment un collier de diamants noirs et chacune étincelle d’un feu sombre qui lui est propre. Que se passa-t-il au juste en ce caniculaire mois de juillet 2006, lorsque Bortek et Kbye les écrivirent en un jet ininterrompu ? Invoquèrent-ils Lilith au centre de leur cercle magik, ou bien est-ce elle qui commanda les événements comme la Spirite qui guide la main de Malivert dans le roman de Théophile Gautier ? Elle fut assurément l’inspiratrice d’au-delà qui s’empara des rênes de la monture et insuffla, au prix d’on ne sait quel pacte d’amour, quelque mystique mystère à l’affaire. Art magique et inexplicable ! Dans le délicat rentre-dedans de la chair sonore s’enchâssent les mots choisis, habiles et précis de Bortek. La voix est chaude, profonde, suggestive, ensorcelante et les textes atteignent à une poésie lumineuse, cristalline, experte en même temps que ludique. On peut passer des heures à les creuser, ces textes, à en apprécier les nuances, à en tirer les fils. Jusqu’à la bibliographie des notes de pochette, cette audace inattendue ! "Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire" écrivait Baudelaire ; et c’est précisément cela qui s’exhale ici. Il n’est qu’à écouter "Sauvage", ce parangon de décadentisme sonique au texte de haut vol ! Et encore n’est-ce là qu’un exemple… "Aiwass" – le Saint-Ange gardien de Crowley et le python de Lilith – ou "Barbèlô" – la Kali des gnostiques – sont de ces sirènes qui vous menottent à la première rencontre. De même que "666 Magik" ou "Avalanches". Et lorsque la machine carbure au régime punk – le minimalisme littéraire de "Je déconne" : deux phrases – c’est pour le diabolique plaisir d’y enchaîner "La monnaie vivante", klossowskienne ballade belle à verser des larmes qui, si le monde avait un reste d’élégance, s’emparerait des ondes et charmerait les foules comme le joueur de flûte de Hamelin. Sans parler de "Mademoiselle D", ce sommet de l’album qui harponne comme une "Priscilla" revenue de son cabaret bondage ! Bortek et Kbye se sont toujours entendus à composer d’accrocheuses perles de ce genre. Et lorsque la grande maquerelle médiatique ne déverse plus que de honteux hoquets, on n’ose songer à ce que seraient les séductions mutines et malignes d’une aussi noble fille de joie que "Mademoiselle D" : d’un lever de jambe découvrant la dentelle des bas elle ferait tourner toutes les têtes. III. Le disque dissimule également en ses replis, dans cet entre-deux de la chair et de l’esprit, des coupe-gorge plutôt dangereux. Ce sont "Loups" ou "Sans début ni fin", malsains recoins où par la voix de Bortek c’est Lilith qui parle, où celui-ci, sur fond de musique orageuse et oppressante, dit les textes de celle-là, ces textes à vif écrits, comme l’explique Philippe Pissier, " dans la langue de Pierre Molinier, ainsi que celle de Shelley, et celle de Schiller, sans omettre la sienne propre, celle de Przybyszewski. " Mais cela n’alarmera que les âmes prudes… Et "Sex Magik" est assurément le plus farouchement rock and roll des albums de Jad Wio, disque sauvage et savant à mettre séance tenante entre toutes les mains, novices comme endurcies. Au risque de voir certains esclaves de l’ordre mercantile rejeter les menottes qui les entravent. De la même façon que "Fleur de Métal" put entrebâiller, entre autres portes, celles du mysticisme céleste de Swedenborg, ou "Contact" celles des boudoirs enstuprés de Molinier, les figures sont nombreuses qui se dressent et que l’on croise autour de Lilith. A chacun de lire les références qui sous-tendent l’œuvre et de déchiffrer les apostilles écrites à l’encre sympathique en marge du texte et entre ses lignes. Sur la pochette, déjà, Bortek ressemble au fils illicite de Molinier, justement, et de Sebastian Droste, le compagnon d’Anita Berber, danseuse scandaleuse et bacchante sexuellement décadente du Berlin des années vingt. Et puis ce sont, qui s’orchestrent au long de cette danse avec Miss D, des rencontres improbables et cependant flagrantes : Aleister Crowley (Diana Orlow fréquenta l’Ordo Templi Orientis) et Robert Mapplethorpe (" Il aimait à utiliser l’expression "Sex Magik" pour signifier qu’il partait en virée satisfaire à ses attractions sadomasochistes " rappelle Bortek) ; "Venus in Furs" et "Sympathy for the Devil" ; ou encore Schuhl, Rimbaud, Sade, Klossowski… pour ne citer que quelques clefs de cette histoire d’L en forme de conte moderne. Et ces rencontres-là, ces sympathies d’outre-tombe, ces correspondances merveilleuses, ces réminiscences enchantées, il faut un magicien – ou un artiste, ce qui se vaut – pour les dire, et les dire si (sur)naturellement. On peut n’entendre dans ce disque que le récit d’une existence crue et peu commune, vécue entre "Histoire d’O" et "Le Livre de la Loi". Et puis déchiffrer, en filigrane des tremblements charnels et thélémites, le destin d’une jeune femme " auto proclamée Déesse de l’Amour pour se laver d’avoir subi les pires outrages au cours de son enfance " (Denis Bortek), enfant douée partie aux extrêmes de sa vie à la rencontre d’elle-même. Et par-delà l’anecdote, c’est une pensée plus vaste qui se profile, véritable profession de foi par laquelle Bortek tombe le masque : " C’est une histoire sur la délivrance, dit-il, une épopée qui semble s’adresser à chacun de nous. Cette vie, celle de Lilith – L – et un peu la nôtre, est un chef-d’œuvre de maladresse dont cet album est le témoin bienveillant et amical, brutal et inspiré par L même, qui avec tous ses éléments intangibles reste et demeure un accident. " Et encore : " "Sex Magik" est cet endroit où les hérétiques, les sorcières et les bohèmes à l’esprit libre du monde moderne accomplissent leurs rites, tout en menace, tout en promesse, tout en exigence. Souvent au prix de leur vie. "Sex Magik" est le lieu de la rupture de tous les liens, le refus de tous les conforts, l’abandon même de votre nom. Une terre de danger et de fuite, de renoncement et de découverte, de vérité et de mensonge dont il faudra se contenter. " Cette quête, en définitive, on ne peut l’entreprendre que selon deux grands principes : do what thou wilt, parole prémonitoire de saint Augustin et précepte fondateur de Crowley – " Il s’agit de savoir si vous allez abandonner un passé au nom d’un avenir imprévisible et incertain où tout est encore à gagner " affirme Denis Bortek – et le très punk do it yourself – parce qu’il faut le faire seul, avec, ajoute Bortek, " la peur immense de vivre et la terreur plus grande encore de devoir se contenter de survivre. " IV. On entend dire que "Sex Magik", bien plus que "Nu Cle Air Pop" il y a deux ans, serait le véritable come-back de Jad Wio. Cela, parce que styles et thèmes d’hier convergent en ce disque. En effet. Mais est-ce pour autant ce qu’il est convenu d’appeler un come-back ? Gare à l’amalgame paresseux… L’époque pullule de groupes – forcément mythiques – qui se reforment, légendes de jadis venues, sur la foi de leur gloire posthume, croupionner une fois encore sur la piste, vaches aux mamelles providentielles qui vous pissent du tube vintage en continu. Il y a ceux qui sont adextres et roublards – les Stooges sur scène – et puis ceux que la muse ne visite plus – les Stooges sur disque… Il y a tous ceux qui se sentent tenus d’exposer ce qu’ils sont devenus, c’est-à-dire pas grand-chose, et qui n’ont plus rien à avancer désormais que la funeste pantomime de leurs vieux jours égrotants – ils sont trop nombreux, les bougres, pour qu’on les énumère. Et tout cela sent généralement trop le crépuscule pour que l’on s’ébaudisse. Pour un phénoménal exemple comme les Cramps, indélogeables de leur éternel zénith vampirique, combien de béquillardes épaves comme les New York Dolls ? Il est rare, finalement, d’entendre ce que l’on conçoit naturellement chez un écrivain : l’approfondissement d’un style, l’affermissement d’une pensée, le parachèvement d’une œuvre, ou en tout cas la poursuite de ce dessein. Comme si les derniers feux, dès lors qu’il s’agit de rock and roll, devaient fatalement être ternes. Et c’est cela qui est admirable dans "Sex Magik" : ce disque n’a pas à pâlir face à ses prédécesseurs. Au contraire, même. Dix ans de frasques et dix ans d’absence… Il a fallu cela pour que Jad Wio écrive le plus beau chapitre de son roman électrique. En ces jours où l’on ne vit plus guère que par le fanatisme à rebours et sous le patronage des exploits d’antan, la chose mérite d’être dite haut et fort. Je me rappelle ce que fut la découverte, à peine adolescent, de Jad Wio. "Contact" et les perspectives que cela ouvrit soudain, l’initiatique renversement qui s’opéra et l’évidence qui s’imposa sans qu’elle fût attendue… C’était quelque chose de l’ordre de cet aveu d’Emmanuelle Arsan à Pierre Molinier : " Vous m’avez envoyé autant qu’un poème, et bien plus qu’un discours, vous m’avez envoyé ce que j’avais envie de voir et d’aimer sans le savoir. " Et, je le sais, ce qui fut révélé alors par "Contact" le serait tout autant aujourd’hui avec "Sex Magik". Et, même, plus profondément. "Sex Magik" a la puissance révélatrice des plus précieuses offrandes. C’est un disque qui ne se contente pas de flatter la nostalgie des aficionados et qui est capable d’initier, Lord Ruthven sonique, les nouvelles recrues qu’il mérite et qui le méritent. Un disque séditieux jeté dans l’arène de la crapulerie intellectuelle du moment et qui, au règne médiocratique ambiant, n’oppose que l’élégance lumineuse de son style. Jad Wio n’est d’aucune chapelle, sinon celle – maquisarde à tout crin – des excentriques électriques qui chérissent cette belle vertu : ne ressembler qu’à soi-même. C’est quelque chose, ça. Quelque chose, hélas ! qu’il est de moins en moins permis d’entendre, dans le rauque galop de l’époque, dans le tue-tête imbécile de ceux qui confondent prestance et grands gestes. Désormais que le plus fat des singes a les moyens de se croire artiste, pour peu qu’il sache s’engoncer dans le corset de sa petite clique et ânonner le jargon de son bègue cheptel, maintenant que l’on ne marche plus qu’en regardant, avec force courbettes, derrière l’épaule à chaque pas, des fois que l’on déroge aux vénérables règles de son camp, être formellement et véridiquement remarquable semble un péché honteux, passible du bâillon et d’un purgatoire de dédain. Le bel art du rock and roll, pourtant, se devrait d’être encore cela avant le reste, de permettre ces pas hors des chemins connus, ces façons très personnelles et très excentriques de se fantasmer dans les miroirs magiques de son choix. Chez Jad Wio, c’est un peu de cet art qui refuse de crever, tout bonnement. Oh, certes, "Sex Magik" emprunte aux mythologies de la chose rock. Ce sont, au hasard, les subtils renvois aux Stones (à commencer par le dos de la pochette, sticky fingers sur fesses latex) ou au Velvet Underground, les clins d’œil glam, hand claps et riffs grivois, les allégeances à un esthétisme noir et romantique, le goût des poudres, des fards et de la mise en scène… Et l’on parlera probablement de "Melody Nelson", également, même si, à tout prendre, "Sex Magik" effleure davantage certaines zones érogènes de "L’homme à tête de chou", en les teintant de couleurs sombres et occultes. Enfin… Jad Wio n’est pas gothique, pas plus qu’il n’est glam, pop ou cabaret. Trop à l’étroit dans les castes que les scrupuleux anthologistes aiment à délimiter, il ne les frôle que pour s’en évader. Et c’est là le drame. Ne s’enjuguer à aucune orthodoxie n’est pas une garantie de survie. Ce que Jad Wio – ce groupe transgenre – exprime en "Sex Magik", plus véhémentement qu’il ne l’a jamais fait, c’est sa profonde singularité. Jad Wio ne dessine, dans le morcellement des masques, qu’un visage ; et ce visage n’est pareil à aucun autre. Il est ce masque où s’impriment, en reflets changeants, les mille et un penchants, les mille et un fantasmes que dicte l’esprit infiniment libre qui gouverne la machine. On n’imagine pas la force qu’il faut pour oser encore cela sans descendre sur le trottoir des bassesses vénales. Les temps sont durs. A bon vin point d’enseigne, dit le proverbe… Mais tout de même, à l’heure où l’industrie du disque, comme une maison Usher, se fendille chaque jour un peu plus, quand même les pointures et les forçats de la vente à grande échelle commencent à morfler, quand en outre les petits chefs des salles de musiques amplifiées n’ont d’autre morale que celle de l’entregent et du commerce, que peut-il rester à Jad Wio et aux rock and roll niggers de ce genre, à part le sacerdoce de leur art ? La foi qui renverse les montagnes et une éthique de guérillero. Autant prendre la Bête – 666, justement – par les cornes, fonder son propre label – en l’occurrence, Magik C – et avancer dans la tempête, surfer avec les hanches à toute force. Concevoir cela et mener à terme l’aventure "Sex Magik", c’est un geste d’une élégance extrême, et c’est le seul qui puisse encore avoir un sens. "Sex Magik" est ce monde rare et précieux, dense et inquiétant, d’ombre et de lumière, naturel et psychopathologique qui s’inscrit définitivement à rebours de la réussite cathodique mercantile ordinairement affichée et par trop souvent consternante de médiocrité " ajoute Bortek. Lorsque viendra le temps de peser les choses à l’aune de leur juste valeur, de leur richesse et de leur profondeur, lorsque viendra le temps – s’il vient un jour ; mais il viendra, définitivement – de rejeter l’ivraie, de cesser d’être crédule et d’admirer enfin ce qui est admirable, alors on se rappellera les voies qu’emprunta Jad Wio en ce début de millénaire, la foi folle qu’il fallut pour donner vie à "Sex Magik". Et l’on reverra l’absolue noblesse du cheminement de Jad Wio. Vox "Sex Magik" – sortie le 8 octobre (CD / vinyle édition limitée) En concert : 12 octobre – Le Poste à Galène – Marseille 13 octobre – Secret Place – Montpellier 22 octobre – La Boule Noire – Paris 13 novembre – Le Vauban – Brest Tournée européenne en 2008 Cet article provient de BBcom - The Bewlay Brothers Fansite - David Bowie - Iggy Pop - Elliott Murphy - R.E.M. - Sparks www.bewlay-brothers.com/pl L'URL de cet article est: www.bewlay-brothers.com/pl/modules.php?name=News&file=article&sid=3196
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