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PHILIPPE PISSIER ARCHIVES (PPA)
18 décembre 2008

Paru in "CQFD" n°59, septembre 2008.

NICHONS ET PINCE À LINGE

ART ET ORDRE MORAL

Mis à jour le :4 novembre 2008. Auteur : L.L. de Mars.


Fig. a) Selon La Dépêche du Midi, « Le 3 juillet, il [Philippe Pissier] a été convoqué par la gendarmerie. Le jour même, une perquisition était menée à son domicile. La brigade de recherches de Cahors est repartie avec certaines de ses oeuvres et son ordinateur portable, qui est aussi son outil de travail. » Quel est le crime de Philippe Pissier, exactement ? Artiste, entre autres activités, de Mail Art, il a expédié à un de ses correspondants des cartes postales sur lesquelles on pouvait voir des seins pressés par des pinces à. Combien de millions de bricoles invraisembables ont sillonné le monde avec un timbre au cul, des plus loufoques aux plus obscènes, depuis que se pratique le Mail Art ? Assez pour que je puisse expédier ce que bon me semble, a dû estimer Philippe Pissier. L’article dit pudiquement « ce n’est pas l’avis du centre de tri de La Poste à Cahors ». Mais ça n’existe pas un centre de tri qui a un avis ; ce sont les sujets qui ont des avis, en font part, les cachent, leurs donnent de l’importance ou les minimisent. C’est un sujet et non un centre de tri de La Poste qui a laissé éclore dans sa saloperie de bonne consience le projet de dénoncer un échange de courrier, un sujet sournois dont la discrétion allait être assurée par l’abstraction dans laquelle il se réfugie : un centre de tri de La Poste. C’est un sujet qui, heurté par l’image d’un bout de sein, s’est encore abrité derrière l’abstraction misérable d’une protection des mineurs qui, décidemment, couvre un nombre assez considérable de crimes ordinaires contre la liberté.

La seule chose dont on espère qu’aucun mineur ne la verra jamais est cet obscène article de La Dépêche du midi qui brosse un portrait d’une humanité invisiblement collabo aussi infect qu’inquiétant. Industries, bureaux, institutions, sont les niches naturelles de milliers de ces petites crapules toujours promptes à trouver refuge derrière d’insondables règles imaginaires pour établir en censure leur propre violence ; ce sont ces hommes qui façonnent la créature grotesque qu’est l’ordre moral, aussi certainement qu’elle les façonne ; ne ratons aucune occasion de leur rappeler que le passage à l’âge adulte les a irréparablement plongés dans la responsabilité devant leurs actes.

Fig. b) J’apprends qu’un nichon peint au XVIII e siècle a gêné Berlusconi dans ses tentatives de donner à son image l’éclat pur d’une abstraction morale : il a été nécessaire de l’effacer du cadre où apparaissait le président. Ne serait-ce pas parce que Tiepolo est infiniment plus bandant que les millions de nichons que Berlusconi vend au kilo sur ses chaînes télévisées ? Ce n’est pas la vulgarité de Tiepolo qui inquiète Berlusconi, mais la certitude que Tiepolo rend éclatante la vulgarité de Berlusconi.

Ce qui réunit ces deux nouvelles et quelques millions d’autres est ceci : Flaubert, brocardant l’amour, écrivait qu’« on voit tout en bleu quand on porte des lunettes bleues ». Au même titre, tout acte de censure nous rappelle qu’on voit tout en marron quand on a la tête pleine de merde.

http://www.cequilfautdetruire.ouvaton.org/article.php3?id_article=1829

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