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PHILIPPE PISSIER ARCHIVES (PPA)
29 septembre 2008

Les Chroniques du Républicoin

samedi 27 septembre 2008

FAUT PAS CHARRIER : LES TIMBRÉS DE CAHORS


Visiblement nous sommes de plus en plus nombreux à nous demander si nous vivons toujours en France. À commencer par Monsieur Philippe Pissier qui en bon Gaulois ne comprend pas pourquoi le ciel lui tombe ainsi sur la tête, alors qu’il est plutôt du genre à l’avoir dans les nuages. En effet, cet artiste castelnaudais, spécialisé dans le « mail art », c’est-à-dire la personnalisation artistique de cartes postales, a subi dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée par madame Ardeef, substitut du procureur de la République de Cahors, une perquisition le 3 juillet dernier, jour également de sa convocation à la gendarmerie. L’objet du délit ?

Avoir envoyé, dans le cadre de sa participation à un salon allemand dédié au thème de l’érotisme, quatre carte postales reproduisant une poitrine de femme. Ce qui n’a pas plu à certains agents du centre de tri de la poste puisqu’ils ont saisi les autorités, choqués qu’ils semblaient être par tant de pornographie. Une appréciation suivie par le Parquet. Non, ce n’est pas une blague mais bel et bien un cauchemar.

Un cauchemar qui en application de l’article 227-24 du code pénal peut valoir à Monsieur Pissier, comme cela lui a été expliqué par nos gendarmes, trois ans d’emprisonnement et jusqu’à 175.000 euros d’amende. « Motif : trouble à l’ordre public et mise en danger du psychisme des enfants par une oeuvre pornographique ».

Il va sans dire que Monsieur Pissier s’indigne devant une telle aberration : « Je suis majeur, les employés du centre de tri postal sont majeurs, le facteur est majeur et le destinataire est majeur. Je ne vois pas où est le problème ».

Il n’est pas le seul.

Le 11 septembre, un journal local « L’Echo » titre ironiquement : « Un dangereux artiste démasqué dans le Lot » (…) « Si une telle image mobilise à ce point les forces de l’ordre, à quoi doivent s’attendre les maisons de la presse, kiosques à journaux, galeries de peinture et musées, où la nudité dépasse souvent abondamment la mise en image d’une paire de seins. »

Dans la « Dépêche du Midi », Florian Moutafian, s’interroge de la même façon : « Va-t-on fermer les musées, les maisons de la presse et arrêter les pubs pour le gel douche (avec poitrines apparentes bien plus accessibles aux mineurs)? ».

Maître Baduel, l’avocat de Monsieur Pissier, se demande quant à lui « si la charia est applicable à Cahors. Je peux comprendre qu’à Dubai on conseille aux touristes d’éviter le monokini, mais en France ? Sommes-nous donc maintenant en terre d’islam ? »

Je ne suis pas certain qu’il faille absolument rechercher de ce coté-là car moi aussi, turlupiné par l’outrage que l’on fait subir à cet honnête citoyen, j’en ai cherché des explications plausibles.

A commencer par supputer que Madame le substitut du procureur avait un problème avec les gros seins. Il est vrai que dans une vie antérieure, j’ai rencontré quelques représentantes du Parquet qui faisaient du 12 ans en guise de taille culottes « petit bateau » et un petit 85B. De ceux que j’adore croquer à pleines dents. Des princesses Tam-Tam que l’on rêvait à quatre pattes sur le parquet, lorsqu’on les retrouvait le soir venu à l’hôtel, après nos séminaires de formation de la fonction publique. Certaines comprenaient seulement alors le sens du mot « pornographie ».

Que voulez, il était évident que pas mal de ces gamines fraîchement sorties de l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) avaient tout à apprendre. Au point que des fois, me venait l’impression qu’elles allaient jouer encore quelques années à « Barbie plaidoirie ». Un lot disponible chez ToysRus incluant une Barbie-procureur, un Ken-juge d’instruction et la maison de justice toute équipée.

Cependant, ne connaissant en rien madame Ardeef, j’ai vite abandonné cette voie pour celle de la compétence. Très important que les questions de compétence chez les tribunaux. Une porte ouverte que j’ai enfoncé quand j’ai appris « qu’au tribunal de Cahors, ni le président ni le procureur de la République ne semblent au courant de l’affaire ». « Officiellement, l’enquête suit son cours. » Franchement avoir besoin de poursuivre l’enquête, alors qu’au premier coup d’œil sur ce dossier, on se rend compte qu’il est bon à classer, n’est-ce pas un élément susceptible de poser la question de la compétence ? Non car je suis certain que madame le substitut du procureur bien que totalement irresponsable demeure parfaitement compétente. Le recrutement comme le suivi de nos magistrats aussi bien « debout » que « du siège » est sans faille. On a pu le voir avec le jeune juge Burgaud.

Et puis de toute façon la coupable de cette bavure, je ne la connais que trop bien. Elle se nomme la culture LOLFienne actuellement à l’œuvre à tous les échelons de notre Etat. La LOLF n’est autre que ce nouveau dogme étatique, inspiré par les délires managériaux qui font tant de mal dans le secteur privé, mise en place sous Lionel Jospin, et qui aurait pour objectif une gestion plus performante de notre Etat. Pour simplifier, les ministères reçoivent depuis 2006 des budgets non pas pour fonctionner mais en fonction d’objectifs à atteindre, des objectifs élaborés par des ronds de cuir et dont la réalisation repose sur les fonctionnaires désormais chargés de faire rentrer dans des petites cases, des petits désirs bureaucratiques bien souvent coupés des réalités.

Ce n’est qu’une pure conjecture, mais imaginez que ce Parquet qui l’année dernière n’avait pas atteint ses objectifs en matière de traitement de la délinquance sexuelle, comme si on pouvait décréter des crimes et des délits, se soit fait taper sur les doigts. Et bien cette année, ne serait-il pas tenté de faire rentrer tout et n’importe quoi dans cette catégorie de crimes et délits, y compris quatre malheureuses cartes postales avec une paire de seins. « Ah ben, puisque le citoyen veut du résultat, on va lui en donner du résultat, c’est moi qui vous le dis. »

À moins que l’explication ne soit tout simplement celle du malentendu. Avez-vous déjà vu le nombre myriadesque de dossiers que les services d’un procureur doit gérer, avec des moyens dérisoires, le tout dans un lapse de temps de plus en plus ténu. Faits qui ouvrent la voie à un scénario plausible.

En ce mois de juin 2008, le secrétariat du procureur reçoit un coup de fil du centre de tri de Cahors. Cet agent postal pourvu d’un fort accent qui brouille son propos parle de cartes postales pornographiques ayant choqué sa fille mineure qui effectuait un stage d’été à la poste. Interprétant mal le propos de notre puritain de service, le secrétariat du procureur consigne des faits mettant en scène une mineure sur une carte postale pornographique, puis applique le code NAF, codification des procédures interne au ministère de la justice, prévu pour les affaires pédopornographiques, et dépose le dossier sur le haut de la pile des procédures en cours. Patatras, l’implacable machine est lancée ( !)

Plus sérieusement (si l’on veut) je ne sais pas s’il s’agit de maladresse ou pas, de jeunesse, d’incompétence, de bêtise, de charia, de pudibonderie, de complexe mammaires ou tout autre chose. Je laisserai la future commission d’enquête parlementaire qui se penchera sur cette affaire, déterminer les causes de ce nouveau dysfonctionnement judiciaire. J’ai juste envie de rappeler une phrase pas assez étudiée à mon goût dans les écoles de la fonction publique ;-)

Il s’agit d’un extrait du film « Starship troopers » de Paul Verhoeven. Au début du film, l’officier instructeur dit ceci aux futurs cadres de l’armée. « tout pouvoir est une violence qui impose de lourdes responsabilités ». À peu de chose près ce que dit oncle Ben à son neveu dans le film spider-man « à grand pouvoir, grandes responsabilités ».

Si je taquine ainsi nos magistrats, c’est parce que si un tribunal peut finir par apparaître comme un banal lieu de travail à ceux qui y officient, il ne le sera jamais pour ceux qui y sont convoqués. Pour nous, comme pour la victime de cette farce judiciaire, Monsieur Philippe Pissier, cela sera toujours vécu comme un traumatisme.

Par conséquent et pour conclure, histoire de faire plaisir à mes e-potes proactifs, je vous propose l’action suggérée par Agnès Giard, ma petite camarade bonobo, sur son excellent Blog « Les 400 culs ».

« Si vous aussi vous voulez participer de cette grande oeuvre de restauration morale, je vous suggère d’encourager les autorités à combattre les seins nus. Envoyez vos encouragements au TGI de Cahors sous la forme d’une carte postale. Une suggestion au hasard : envoyez la reproduction de ce chef d’oeuvre de l’école de Fontainebleau - Gabrielle d’Estrées - montrant la belle Gaby se faire pincer un téton par sa soeur. Ce tableau est en libre accès au Louvre où tous les enfants peuvent le voir. La Poste portera-t-elle plainte contre vous ? Les gendarmes viendront-ils perquisitionner à votre domicile ? L’enquête prendra-t-elle un an ? ou deux ? Récupérerez-vous votre ordinateur en état de marche après avoir purgé votre peine ? Cela peut sembler ahurissant - de la science fiction - et pourtant… Cela se passe en France en ce moment. »

Madame le substitut Isabelle ARDEEF

T.G.I. De Cahors

Boulevard Gambetta

46000 CAHORS

La Poste (Centre de tri) 

80, Rue Hautesserre

46000 Cahors

Maître SIL, le plus grand e-avocat (aïvocat) de la blogosphère et tout premier e-academicen (aïcademicien). (Merci DG)

CHARRIER : v. i. avoir à cœur de faire appliquer la Charia // Pop. Faut pas charrier ! signifiant : Il est exagéré de tenter un tant soit peu l’application d’une loi à ce point étrangère à toute Raison. Par extension. Exagérer.

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