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PHILIPPE PISSIER ARCHIVES (PPA)
1 mai 2007

VOCALYSES - VOCARHIZES - VOCASCHIZES (extraits)

ESPIL = en basque : 1) prairie sur laquelle a été construite une maison; 2) taillis auprès duquel une maison a été construite (Thankyou, Jean-Pierre). Déjà ce glissement, cette dérive, pour ainsi dire cette mutation de l'archétype arborescent, de la demeure (plantation verticale), vers une aventure proliférante et dégénérante — régénératrice, en verticalité sapée (de l'arbre à l'herbe, au taillis, la maison déjà secondarisée, en arrière-plan, voire ruinée, étalée — et lorsqu'on sait qu'aux 'Campots', lieu-dit où habite ledit Espil, les bâtiments sont dans cette situation d'éboulement (Parant) sis au milieu des marais (comme les pierres du Ryoan-Ji, ceintes par le sable et les mousses ?), l'on peut encore (en) rhizer, lyser et schizer... Mais également : ès = dans les..., en matière de...; et pil(e)s = poils. Où l'on rejoint le taillis basque. Et encore, puisque la déviance et la défiance s'autorisent réciproquement (s'auto-rhizent et s'inter-rhizent) : Espil, reptile, morphologie arborescente, mais déplacement horizontal et louvoyant en les lézardes des 'Campots', tout à fait espiègle, rhizocarpé, lysoïde... et insaisissabilité et mutations — Espil et le I Ching ?... …/… Tel serait le jeu spiral, vivant : au départ, l'individu est un chiasme bien localisé, placentaire, qui tend à la stabilité (sous l'action du contrôle éducatif), point d'interférences, certes, bouillonnement, mais circonscrit, circonvenu, s'ouvrant, (s'auto-)lysant, (s'auto-)-schizant, se désovant (Michaux), (se) désœuvrant, (se) nomadisant, il devient chiasme évolutif (schize, corpuscule et onde), et bientôt rhizome (prolifération, enchevêtrement de lignes-flux). Quittant la sclérose pour les métamorphoses, l'individu devient dividu (Lacan : 'Ici c'est de sa partition que le sujet procède à sa parturition'). L'homo dé-rivé, dé-rivant succède à l'homo rivé... Ob-scène le dividu, parce qu'extra- et trans-limes, ainsi donc, et seulement alors, sublime. (Se) décomposant, se déployant (s'expansant, se multipliant), le vocalysacteur (comme tout homme émancipé : poïète) dé-compose, en ce sens qu'il n'édifie plus, ne solidifie plus, ne fixe plus, n'accumule plus; il dé-(com)pose, pausant la pose (ek-stase), il expérimente — dé-(com)poser et l'"expérimenter" cagien — Avec sa partition génésique, il se départit de toute partition-dépôsition — inscription — (dé)finitude de l'œuvre — Posant naturellement des questions (le "composer" cagien) — somptueuse humilité —, il ne s'installe plus. Le tracé, la trace, le dépôt, selon l'exercice de la mémoire : ce qui n'a pas lieu (n'est pas lieu) d'être; la conservation; le fractionnement du temps... Ce que poïèsis requiert : la dé-composition du temps — Charles : 'laisser être le temps'; une délégation de l'être au silence (cagien). Et si dépôt il y a, c'est par débarras des diverses peausseries coercitives qui engonçaient, immobilisaient. Restes. …/… Toute poïèse est fondamentalement multimédia. Ainsi Gillis, Espil et Moss, métavocalysacteurs, métaphoniques : la première, développant des pratiques percussives élémentaires (tout objet sonore est instrument musical), disposant de l'électronique, poète calligraphiste; le second électro-locuteur, électro-instrumentaliste, indissociablement poète (-écrivain); le troisième, irrésistiblement, inéluctablement percussionniste, et utilisant également les transformations électroniques, mais encore poète... Et les trois, performers — plasticiens, ou chorégraphes... — Où l'on pourrait convoquer Daniel Humair, peintre et percussionniste (qui chante, parfois, " ravi ", comme les phonèmes des tablaïstes devenus mantras); ou Jean-Claude Gallotta, plasticien (exhaustivement), et vocalysateur brut ('Ces onomatopées sortent comme cela de ma bouche, toujours les mêmes, aux mêmes moments et dans les mêmes circonstances... Au-delà du sens, avant le mot, existait une relation que l'on a perdue et que l'on retrouve entre danseurs par l'écoute corporelle'). Pulsion élémentaire, la vocalysation n'est pas une exclusivité de l'espèce humaine. Parmi les musiques extra-humaines, les chants sont innombrables, notamment remarquables chez les oiseaux (Messiaen), les baleines et dauphins, les singes, les loups — auraient-ils inventé la fugue ? — Recouvrant corporéité, animalité, c'est comme si la voix humaine se renaturait (alors qu'elle était naturalisée, au sens taxidermique, par une culturation misonéiste et discriminatrice, angéliste...), récupérait sa potentialité première — Theophil Maier, d'ExVoco : 'Quand un homme vient au monde, la voix et la respiration fonctionnent parfaitement. Et seulement ensuite, l'environnement casse tout... Quand on y réfléchit, un bébé peut crier durant des heures, et tout vient du centre du corps, tout est bien placé spontanément, naturellement... J'ai également observé comment les animaux produisaient le son...; c'est tout le corps qui fonctionne..., le son coule de la bouche...' — L'une des instances du corps : la voix (Stratos, en particulier); le passage par le corps et le corps du passage, obligé, de toutes façons, si l'on veut s'accoucher, ne pas demeurer, aporétique. La fluidifiction voicyférante : chaque personne, frictionnée, mise en branle par ses voix, peut alors se mettre en fiction(s)... Et, en même temps, c'est comme si l'émission vocale abolissait le corps (dé)fini qu'elle traverse pour souffler son in(dé)finitude cosmique — le corps porte la voix de son évanescence; les voies de l'être ? …/… Espil, pillard, pilleur de rhombes et pilifère — puissance indéniablement animale qui réintègre sapiens —, espèce de gigantesque grelot de chair en transe, sauvage geyser pulsionnel sécréteur de secrets, pilant tout 'filet de voix', tout beau grain — bon teint monophonique, pileur de fond et fondeur de rut. Espil bouche de sang noir, bouche de sang blême, bouche libidinale, bouche d'ombre ludique et lubrique, bouche d'ambre et de musc (et non de myrrhe et d'encens), bouche de cendres (et non de neige), bouche d'encre, bouche d'égoût(ante) en tant qu'elle expulse, restitue ce que la bouche de lumière, la bouche d'ange, avait confisqué, bouche issue des marécages des 'Campots', irruptive, éruptive, et qui vit de-dans leur matière décompositionnelle, bouche souple et rauque, bouche ravie de raviner les mélodies et rythmes qu'elle consent, bouche où les mots claquent en cloques, où glougloutent les acidités stomacales, où persiflent et arrachent les flatuosités et les bourrasques du cri, bouche outrageusement triviale qui brûle brute — pneumatique de la forge — ... Mais de l'idiolyse peut sourdre un soupir en suspens, une appoggiature abstraite, une longue incantation diplophonique. Tellurique, Espil est cosmique. De toutes façons voix-protée, extraordinairement perverse, inqualifiable, qui, délaissant la puissance de l'éjection, peut fonctionner presque imperceptiblement, imprédictiblement inoffensive, naïve : cantillations de fond de gorge ou nasards, babillements infantins et murmures de comptines, infimes mastications, simili-baisers et autres labialisations saugrenues, bulles... Elle peut aussi se dissoudre ou se vautrer dans les fastes nauséeux de l'électronique digitale — Chair et Chiffre, l'empreinte de l'homme mutant — Espil, être transitoire, transfini, shamane basque qui assume la condition médiumnique de l'homme. Jean-Louis Houchard (Texte paru en 1992 in "POÉSIES SONORES", sous la direction de Vincent Barras et Nicholas Zurbrugg, Contrechamps Éditions, Genève.)
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